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124 LE MÉLODRAME

place un autre nouveau-né, mais privé d'existence. Les étrangers qui ne remarquent guère un enfant de cet âge, ne voulurent voir en celui-ci que l'enfant de Leïla. Dans l'impossibilité d'obtenir justice, il lui fallut dévorer ses larmes ; voilà trois ans que ce malheur est arrivé, et elle pleure encore tous les jours. Elle ne rencontre pas un en- fant de l'âge qu'aurait aujourd'hui le sien sans le caresser, sans chercher sur son visage quelques traits qui lui fassent reconnaître celui qu'elle a perdu...

Cela annonce l'arrivée d'un enfant. Il en paraît un, en effet, conduit par sa gouvernante. Leïla le trouve charmant et s'informe : « Qui est-il? — C'est le fils de l'altière Tamira. — Et qui est cette Tamira ? -- La veuve du brave Banaïas, ce guerrier qui, sous David, était la terreur des Philistins. »

Le cœur de Leïla se serre quand elle apprend que Tamira va se remarier — et avec le prince Eliphal. Cer- tes, elle n'a jamais prétendu qu'Eliphal relevât jusqu'à lui, mais elle ne peut s'empêcher de soupirer, en se sentant si oubliée.

La gouvernante est bavarde. Elle lui conte les parti- cularités de la naissance du fils de Tamira. Il vint au monde, heureusement pour elle, dans le temps même que Bainaïas, souffrant de n'avoir point de postérité, songeait à la répudier. Mais quelles inquitudes elle con- nut, dès que cet enfant eut vu le jour, car son exis- tence était bien frêle. Par bonheur, un valet de Tamira, Sobar, avait des secrets merveilleux, et ce nouveau-né, qui semblait prêt à rendre le souffle, était, le lendemain, le mieux portant du monde.

— Sobar ! s'écrie Leïla... nous avons connu cet homme... il venait souvent chez nous...

Un étrange soupçon s^'empare d'elle. Mais, alors qu'elle ose à peine former cet espoir, Eliphal paraît. Il reconnaît Leïla, son cœur bat, il sent renaître son ancien amour... Et soudain, Tamira, dont il se pensait épris, lui devient indifférente. Il va trouver son frère