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122 LE MÉLODRAME

tranquille existence au barreau d'Arras, faisant la na- vette entre le Palais et sa maison de la rue du Refuge- Marœul. La Révolution vint troubler ce plan de vie. Le Ron se chargea, à Arras, d'épurer la vieille société, et il n'épargna pas les avocats.

Caigniez semble s'être fait très petit pendant cette rude époque. Son nom n'apparaît qu'à propos d'un modeste rapport sur les inhumations en date du 26 ven- tôse an IL L'aisance bourgeoise dans laquelle il avait passé sa première jeunesse avait disparu. Il vint à Pa- ris en 1798, assez embarrassé, car il avait trente-six ans, et il ne savait trop de quel côté se tourner. Le hasard le mit en relations avec un obscur écrivain, Coffm-Rosny, qui, après la première direction de Ri- bié (1) à l'ancien Théâtre Nicolet, allait présider aux destinées de la Gaîté. Caigniez fut tenté d'écrire pour la scène, et il porta à Coffin-Rosny une manière dé fée- rie, la Forêt enchantée^ ou la Belle au bois dormant. Un mélodrame de Cuvelier, portant le titre bizarre de Kalik-Sergus venait de subir un échec. La Forêt en- chantée réussit, en une longue carrière qui, commencée en 1799, vit l'aurore du xix« siècle. Nouriahad et Ché- redin, lui succéda, avec un sort également, heureux. ,

Mais c'est vers le mélodrame que la mode devait diriger Caigneiz et, en 1802, il portrait à Corsse — cet acteur comique devenu directeur de l'Ambigu, qui don- nait à son pubhc le plaisir de tant pleurer — un Juge- ment de Salomon qui contribua par son succès à la fortune de l'imprésario. Corsse, ce qui paraît bien singulier aujourd'hui, gagna trois cent mille francs avec cette pièce : elle ne rapporta que neuf cents francs à son auteur, mais les (( droits » étaient mo- destes alors.

(1) Rlbié, acteur, auteur, directeur, homme universel, une physionomie amusante : Nicolet lui avait cédé son entreprise en 1795. Il fit fortune plusieurs fois, puis se retrouva pauvre, mais toujours de belle humeur.