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118 LE MÉLODRAME

la cave, au rez-de-chaussée, et c'était surtout sur le théâtre que leur présence était nécessaire. C'est encore là une cir- constance que personne ne pouvait prévoir : les pompiers sont militaires et n'obéissent qu'à leur chef.

La Gaîté leur paye 7 ou 8.000 francs par année pour la préserver de l'incendie. Ils ont reçu depuis dix ans 70.000 ou 80.000 francs de l'administration actuelle, et le théâtre est en cendres !

On voit que tous les incendies de théâtre se ressem- blent : un instant où il eût été facile d'arrêter le dé- sastre, un appareil qui ne fonctionne pas, une fatalité qui empêche d'utiliser les moyens de secours. Le Mé- moire faisait retomber la responsabilité des prescrip- tions qui n'avaient pas été observées, relatives à des réparations, aux propriétaires de la salle. Les relations entre propriétaires et locataires devaient être aigres- douces, à en juger par ce passage : « La présence des propriétaires était souvent importune et il leur arri- vait de donner des ordres aux machinistes et aux em- ployés, mais les administrateurs les supportaient, pré- cisément pour diminuer leur responsal)ilité ».

Des renseignements instructifs pour l'histoire du théâtre sont à recueillir dans ce mémoire. On y voit qu'une pièce à grand spectacle, montée avec luxe, coû- tait, en 1834, dix-huit mille francs. Les prix ont singu- lièrement augmenté !

Dans la direction de la Gaîté, Pixerécourt estimait le désastre à trois cent dix-huit mille francs. Il était à demi-ruiné et engagé dans d'interminables procès, pour lesquels il avait comme avocat le futur ministre des Travaux publics. Teste (1), qui devait, en 1847,

(1) Teste avait nié avec hauteur les faits qui lui étaient repro- chés et avait repoussé dédaigneusement l'accusation de corrup- tion qui pesait sur lui : on lui mit sous les yeux six lettres de lui, accablantes. 11 s'effondra, se jugea perdu, ne parla plus : « Depuis une heure, écrivait Victor Hugo, parlant de ce procès fameux devant la Chambre des Pairs, Teste a vieilli de dix ans, sa tête branle, sa lèvre inférieure tombe. C'était hier un lion ; aujourd'hui, c'est une ganache. »