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LE MÉLODRAME 111

enthousiasme pour son magnifique ouvrage. En conséquence, de mon chef, j'ai offert au compositeur, comme gage de la reconnaissance de lOpéra-Comique, une belle boîte en or, dans laquelle j'avais placé le brevet d'une pension de douze cents francs... Cette scène de famille a électrisé l'auditoire ;• on s'est embrassé, on a pleuré : c'était un spectacle tou- chant. Je suis fier d'avoir rendu au dillettante français un autre Rossini (1). Je tiens singulièrement à ce que mon ac- tion, assez remarquable par le temps qui court, ne soit attri- buée à personne qu'à moi.

C'était, évidemment, savoir chauffer l'opinion. Au demeurant, il rachetait ces générosités destinées à la publicité par une sévère administration. Le vaudevil- liste A. de Rochefort, qui fut lami de Pixerécourt, a raconté que, poli, aimable, cordial dans ses relations hors du théâtre, il était, à l'avant-scène, redoutable aux artistes. Le croquis est lestement dessiné :

(( ... Il avait une figure bistrée, le regard énergique d'un châtelain de mauvaise humeur qui aurait mal dormi et souffrirait de la goutte... Quand il venait le matin à ses répétitions, c'était un tigre de sévérité. Les acteurs tremblaient comme les noirs devant le fouet du commandeur ; il ne pardonnait pas la plus légère négligence, le moindre retard dans le devoir, sans imposer de sévères amendes, et, quand un acteur s'était distingué dans un rôle, il n'était pas homme à lui en faire son compliment, mais il lui reprochait tou- jours de n'avoir pas été assez bon, assez complet... (2) »

Les comédiens, un moment soumis, ne tardèrent pas, quand le succès fut revenu, à regretter de s'être donné un maître. Cette période de l'histoire de l'Opéra-Co-

(1) 11 décembre 1825. Cette comparaison faiUit fâcher Boïeldleu avec Rossini ; il demeurait dans la même maison que lui, boule- vard Montmartre, et le rencontrant sans cesse, tenait à ce qu'il n'y eût pas d'occasion de froissements. Il y a une lettre de lui à Ch. Maurice, directeur du Courrier des Spectacles, où il lui demande de remettre les choses au point et de dire que Rossini et Boïeldieu ont réussi, « chacun sur leur terrain ».

(2) Mémoires d'un vaudevilliste, par A. de Rochefort.