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LES BŒUFS


Réunis sous le joug, et gardant en leurs yeux
Le mystère profond d’un rêve insaisissable,
Ils quittent au matin le licol et l’étable,
Dès qu’une cloche égrène au loin son citant joyeux.

Ils vont, lents, résignés à leur sort immuable,
Sous le soleil torride incendiant les cieux,
De l’aiguillon, sentant le fer pernicieux
À leurs flancs pénétrer brutal, impitoyable.

Ainsi, du doigt marqué par le destin fatal,
Jusqu’au soir, ils iront fécondant sans relâche
L’immense et verdoyant tapis du sol natal.

Et quand le laboureur ayant fini sa tâche,
Vers sa maison revient appuyé sur ses bœufs,
On dirait, dans la nuit qu’ils se parlent entr’eux.