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LE TOURNANT


Elle est grande. Huit siècles de puissance lui ont modelé cette lèvre haute de reine. Elle a le regard tranquille et dur de ses ancêtres soldats, et la voix brève de ses aïeules les fières châtelaines. Sa chair, sur ses os puissants et fins roule en harmonie, comme celle des primitifs et des très vieux racés. Elle est simple comme un enfant ; elle aime ou elle hait ; elle indique d’un doigt sûr le bien et le mal ; elle fait sans se tromper les gestes d’âme et de corps de ceux qui l’ont précédée : derrière elle, les vieux semblent l’avoir enseignée… Elle est chaste et fidèle, et allaite ses