qu’on puisse vivre de nouveau comme par le passé…
Victor et Céline se taisaient. Les calmes consommateurs s’en allaient d’un pied pesant et plat ; les serveuses en tablier brodé faisaient sauter la monnaie dans leur poche ; l’orchestre, hâve, emballait flûte et violon ; et, derrière les montagnes de petits gâteaux glacés escaladant la vitrine, le soleil faisait reluire la placide rue bien lavée, bien fourbie, où les passants déambulaient sans hâte, et où les moineaux même grattaient le crottin avec dignité.
Tous les jours Victor et Céline se retrouvèrent. Ils prenaient ensemble le tramway blanc qui les menait, par le bois ponctué de villas, à la grande foire de Scheveningue, avec ses casinos de nougat, ses kiosques, ses terrasses de guinguettes, ses petits drapeaux, et son grand pier vautrant dans la mer prostituée son cirque multicolore et pavoisé. Les consommations du reste y étaient fort chères, et détestables. Céline aimait mieux attendre le soir dans un de ces petits bars d’arrière, où le vent de mer ne vous atteint pas, et d’où l’on regarde passer le monde, en tétant sa paille. Les bars, c’est le vrai charme des plages : on se fatigue de tourner en rond, et tout ce sel dans l’air vous donne soif ! Le soir, on n’avait que l’embarras