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j’aime !… C’est trop aussi, je suis perdu… Oh ! je m’aime… je m’aime… en vous… près de vous… dans la chaleur de votre corps… Madeleine, gouffre qui m’attire… ciel qui m’attire… ciel de votre visage… ciel de vos yeux qui m’appellent… qui m’appellent…

(Ils sont si près l’un de l’autre que leurs visages semblent réunis déjà par le nœud du baiser. Et le soleil mourant brusquement les embrase de la gloire de son dernier sursaut.)

François, sauvage et sourd, l’étreignant de ses bras féroces. — Je vous aime, Madeleine !

Madeleine, instinctivement cabrée sous l’étau. — Ah ! prenez garde !… (Elle regarde dans l’incendie du couchant, le farouche visage presque sur le sien. Et les mots faillissent, étrangers à sa volonté :) Comme vous êtes pâle… Comme vous êtes changé… mon pauvre François…

(Le soleil, comme tranché au couteau, est tombé brusquement derrière la montagne. Une ombre violette s’étend, couleur de tombe.)

François, d’une secousse, a défait son étreinte. Il a la stupeur d’un homme qu’un poignard invisible a frappé, puis son halètement de souffrance. — Ah ! Ah ! (La pensée lui revient, foudroyante. Il dit d’une voix très calme :) Vous voyez bien… que c’est fini…