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veux pas rester avec ce couteau qu’on m’entre dans le corps, et qui fait des trous… Je l’aimais, moi, je l’aimais… Mais qu’est-ce que je vais faire ? Qui vais-je aller tuer ? Ah ! la chair de Jean est déjà abîmée. Il va tomber en pourriture… Il faut arrêter ce temps qui va manger Jean…

Lâchez-moi, vous. Je ne veux pas qu’on me touche… Et taisez-vous. Ne me parlez pas. Je ne vous entends pas. Je ne veux plus entendre vos voix affreuses et bêtes qui m’empêchent d’entendre crier Jean !

Vous voulez m’apaiser : Vous m’aimez, n’est-ce pas ? Est-ce que cela me soulagerait de vous faire souffrir ? Si vous me preniez dans vos bras, est-ce que cela me ferait du bien ? Qui veut m’endormir ? Jean est mort ! Je vous dis que Jean est mort ! Je l’oublie. Et puis je me rappelle. Il meurt continuellement. On me donne et on me retire le chloroforme. C’est pour cela que je délire. C’est l’ivresse du chloroforme.

Savez-vous combien Jean m’aimait ? Il m’aimait plus que sa chair.

Jean est mort. Il a saigné…

Il faut rester ici ! Il ne faut pas me laisser ! Il faut que je touche quelqu’un. Il faut m’écouter pour que je parle à des oreilles. On vous verra sortir deïnain, on dira que j’ai un amant. Qu’est-ce