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Je veux que les lignes de douleur qui se tracent sur mes traits soient douces comme un rayonnement, et non pas brisées comme un réseau par la révolte et l’impatience. Je veux que Jean me retrouve plus belle. Je veux que mon cœur soit splendide, pour lui en faire, à son retour, le don royal ! J’obéirai. J’obéirai…

— Nous entrerons, un jour dans la lumière…


XVI


— Colette ! Avez-vous des nouvelles de Jean ? Colette, surprise de ma voix étranglée, me regarde en piquant l’aiguille dans sa tapisserie, une belle reproduction de fauteuil ancien, tendue sur un métier de citronnier.

— Mais oui, ma foi. Et de récentes. J’ai eu une carte de Hollande, transcrite par Tina de Terse. Elle date de trois semaines.

— Colette, n’êtes-vous jamais inquiète ?

— Inquiète ? Mais, ma chère, ma vie n’est qu’un long martyre ! me dit Colette, penchant à nouveau sur le métier son joli visage arrangé. Seulement, voilà, je me domine. On apprend. Ah ! çà, Jeanne, avez-vous un petit ami au front ? Vous changez. Vous avez l’air de vous, vue dans un miroir terni, et vous avez les mains chaudes et