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de Cologne, aux friandises du déjeuner… Denis roule une cigarette et siffle : Colette parle de la princesse. Ils sont déconcertants, tous deux, d’ignorance, de naïveté et d’héroïsme. Positivement, l’enfant offre sa vie, la mère offre son fils à la déesse du snobisme.

Je revois ce petit de Prey, ce petit prince de Stanislas, que j’ai vus ici prêts à partir ; je revois leurs yeux brûlants d’amour, de volonté et de foi, leur adolescence avertie et avide de sacrifice ; et puis je regarde Denis, leur imitateur ignorant, mime agile de leur geste, préparé ni de corps ni d’esprit à la réalité, à la permanence de l’héroïsme… Pauvre petit Denis ! Je me souviens de l’amertume de Jean, murmurant un jour, la tête dans les mains : C’est fini, ma chère, je laisse Denis à sa mère, cela me tue de le regarder grandir… Jean, bien sûr, aura un élan de joie neuve en voyant accourir au danger son petit garçon transformé…

VII


Les jours lourds. Les jours de réveil gros d’angoisse où tout s’accumule pour vous écraser l’âme. L’appel, sous les fenêtres, de l’affreuse gazette allemande masquée de langue française qui instille le découragement, le pessimisme. Le