Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Oh ! le silence terrible de l’hôtel, l’inquiétude montante de mon ami, la faiblesse mortelle du cœur, aspirant à la force… et là, innocente, la radieuse image, le groupe sacré de la grand-mère et de l’enfant…

L’heure du coucher, déjà, mon Mika ? Te border ? Bien sûr, mon trésor. Tu diras tes prières sur mon cœur… Regarde-moi. Tu es si petit, mon fils, et tu es si précieux ! Ta maman ne pourrait pas t’abandonner, même pour son ami, faire de toi deux fois un orphelin. Je t’ai mis au monde, Mika ! Dis bonsoir… Embrasse ta Grand’Mère.

Comme il a bondi dans ses vieux bras ! Comme elle l’étreint ! Dans son cœur affaibli, les deux images se mêlent, et c’est vraiment son fils qu’elle tient là, sa chair, la pulpe de son cœur…


Oh ! mon ami, pardonnez-moi. Votre amie va vous trahir…

Je ne viendrai pas.

Je veux que Mika reste près de sa Grand’Mère.

Je ne viendrai pas. Je n’ai pas assez de courage pour m’enfuir avec ce sang sur les mains…

Demain, plus tard, après, je vous écrirai cela. On peut écrire, on ne saurait pas dire…

Vous allez souffrir, d’abord ; mais vous avez vécu, vous vous reprendrez à vivre.