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Comme s’il revenait d’un long voyage explorateur dont je devrais, mieux que lui, connaître tout le mélancolique parcours, sa pensée se résume lentement :

— Vous auriez peur, n’est-ce pas, de recommencer…

Mes yeux aussi s’en vont en long et triste voyage dans les souvenirs, reviennent, se fixent sur lui, très graves. Je rectifie :

— De commencer.

Car derrière nous, il n’y a rien : il n’y a plus de passé…

Alors de nouveau, les mots inutiles à meubler le bonheur d’être ensemble, s’évanouissent. La nuit est venue, estompant les choses, couvrant les réalités mesquines, comme le manteau magnifique de l’amour.

— Madame Saintes fait rappeler à Madame qu’il est l’heure du dîner. Elle fait prier Madame d’insister auprès de son Excellence pour qu’elle veuille bien le partager.

Jules, massif, prétentieux, et avec lui les jets cruels du lustre électrique dont il a déclanché le commutateur.

— Faut-il…

— Restez, mon ami… Jules, remerciez Madame Saintes ; nous allons venir.