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— Jules, priez Madame Saintes de me dire si je puis disposer aujourd’hui des salons. J’attends, dites-lui, la visite d’un vieil ami. Dans ce cas, faites prévenir le concierge qu’il reçoive le Comte Sakiakine, s’il se présente.

Il va venir.

Oh ! quelle bouffée lointaine de mon pays quitté cette courte lettre me jette à l’âme ! Jeunesse blonde, faite de gaîté, d’espoirs, de mélancolie plus douce que la gaîté, frénétiques aspirations d’idéal qui ne sont en vérité que l’humain, l’éternel désir d’amour, froqué par l’innocence de grands mots menteurs ! Mosaïque de menus faits, de menus mots, dont il colore et embellit toutes les pierres : jeux, danses, folles équipées, enfantines larmes… Précieuse liqueur des souvenirs que le cœur ému distille goutte à goutte… Il est à lui seul tout mon passé, et il va revenir.


C’est toi, mon Mika ! Tu rentres du cours, tu montes apprendre tes leçons ? Non ! tu es un tigre, et je suis le chasseur ! Ne me mange pas, Mika : épargne ta Maman !…

Mika, aigu déjà comme un précoce adolescent, gourmand de lèvre et de narine, satiné de peau, félin de gestes, mon fils…

Mika et moi, sur le tapis, ne sommes qu’un jeu