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préface

facilement dans le ridicule des grands romantiques qui, en tête d’un recueil de poèmes d’un lyrisme tout personnel, affichaient, dans le naïf espoir de les rattacher au cours de leur temps, des phrases où ils faisaient remarquer que le moment était grave et que le monde avait les yeux fixés sur le bec de leur plume. Donc, à moins d’être Hugo ou Gautier, n’écrivons pas de préfaces pour nos livres et surtout n’écrivons jamais, sous aucun prétexte, de préface pour le livre d’autrui !

Une préface pour le livre d’un autre ? Qui donc a inventé cette énormité ? Quelques lignes de Monsieur Chose en tête d’un bouquin de Monsieur Machin, à quoi bon et pourquoi faire ? Vit-on jamais peintre coller au front de sa toile, sur le cadre, un petit morceau de toile peinte et signée par un autre peintre ? Vit-on jamais sculpteur déposer sur le socle de sa statue une petite tête ou un petit torse modelés par un autre sculpteur ? Ouït-on jamais musicien faire entendre, avant son œuvre, quelques mesures composées par un autre musicien ?

Quand un auteur en vue écrit une préface pour un confrère, ou bien il est de bonne foi et sincère, et alors il s’attache à mettre en lumière les qualités de l’œuvre