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C’était un pauvre, un fils du peuple, un de ces muchachos qu’il a peints si souvent avec tant de bonheur, contents de vivre, en guenilles, pieds nus, grappillant des raisins ou suçant une pastèque. Enfance radieuse, au soleil du bon Dieu, véritablement franciscaine ! Il naquit à Séville en 1617, l’année où était promulgué pour l’Espagne le dogme de l’Immaculée-Conception : l’enfant, dès le sein de sa mère, était le peintre prédestiné de ce poème virginal.

Toute sa vie, sauf un seul voyage de trois ans à Madrid, se passa dans sa ville natale, à l’ombre de la Giralda et de l’immense cathédrale, devant les sierras divines, dans le même horizon, dont il ne put jamais se résigner à changer. Il était de mœurs graves et pures. Sa première œuvre (le Louvre en possède un fragment, — la charmante Cuisine des anges) fut peinte pour le couvent franciscain de Séville[1] ; la dernière, quarante ans plus tard, le fut pour la chapelle des Capucins de Cadix[2]. Il tomba de son échelle pendant ce dernier travail, se fît ramener chez lui, s’alita et ne se releva plus.

C’était une âme sereine et tendre, heureuse et calme, rêveuse et assurée. Nul doute jamais ne l’inquiéta. Murillo voit et peint le surnaturel aussi familièrement, avec autant de certitude, la même évidence d’aspect, la même fermeté de bords que le réel. Les deux mondes, qui voisinent continuellement dans sa pensée, se coudoient

  1. En 1646. La série comprenait onze tableaux (dont l’un est la Mort de sainte Claire, aujourd’hui au musée de Dresde). Cinq de ces toiles, dont celle du Louvre, sont consacrées à l’histoire d’un franciscain du xve siècle, frère Diego d’Alcala († 1423), canonisé par Sixte-Quint en 1588. Cf. Justi, Murillo 2e edit., Leipzig, 1904, p. 5 et suiv. ; Knackfuss, Murillo, 6e édit., Leipzig, 1904 ; Calvert, Murillo, Londres.
  2. En 1680 ; l’artiste mourut le 3 avril 1682. Parmi les sujets franciscains si nombreux dans son œuvre, on connaît l’Indulgence de la Portioncule (Musée de Cologne ; peint en 1670 pour les Capucins de Séville) ; la Vision de saint Antoine de Padoue (Cathédr. de Séville, 1656 ; Musée de Berlin etc.) ; saint Félix de Cantalice (Séville) ; sainte Elisabeth de Hongrie {Madrid, etc.).