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pour mourir voulurent revêtir la bure monastique et se firent ensevelir en robe de capucin ! Combien étaient honnêtes et pieux qu’on n’en soupçonnerait pas ! L’Albane, dont le nom n’évoque qu’images d’anthologie, anacréontiques mignardises, ayant deux fils, les baptisa Domenico et Francesco[1].

Mais c’est assez nous attarder en Italie. Je voudrais pour finir vous signaler rapidement quelques-unes de ces survivances franciscaines dans des pays et chez des maîtres dont on n’attendrait rien de tel. S’il est un artiste éloigné de l’esprit séraphique, une ville qu’on dirait aux antipodes d’Assise, c’est Rubens et c’est Anvers. Toutes les grandes villes maritimes, Naples, Gênes, Venise, Amsterdam, Bruges, Anvers surtout, se reconnaissent pittoresquement à un air de matérialité, à une opulence d’idées, à une richesse d’aspect qui écarte, ce semble, toute pensée mystique. Entre tous les peintres d’ailleurs, Rubens est le plus infatigable et le plus fastueux, celui qui prodigue à toutes choses le plus ordinaire éclat, qui les a vues naturellement plus rayonnantes et plus glorieuses, et les a revêtues d’un luxe plus habituel de langage et de métaphores. Il souffle à toutes ses figures une vie héroïque ; une sorte de flamboiement court le long de leurs contours, semble faire ondoyer et dilater leurs formes ; toujours il passe une fanfare, un coup de clairon vibre au fond de ses tableaux. Personne n’a parlé sans fatigue une langue plus constamment sonore, et n’a su comme lui imprimer à une toile, d’un seul coup de sa brosse, une espèce de retentissement. On sait du reste que ce grand peintre se fait du corps de l’homme une idée athlétique, que nul ne s’est plu davantage aux spectacles

  1. Malvasia, Felsina Pittrice, Bologne, 1678, t. II, p. 224.