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Vous reconnaissez l’ironie et la manière de Pascal : c’est ainsi qu’il persifle dans sa neuvième Provinciale, un livre du Jésuite Barry, et raille le salut à la portée de tous, la morale facile des nouveaux casuistes. Qu’aurait-il dit pourtant, si ces prétendues « corruptions » inouïes dans l’Église, on lui avait prouvé qu’elles remontent au moyen âge ? Et nous qui le savons, et qui trouvons ces choses touchantes dans les vieux fabliaux ou dans un conte d’Anatole France, par quel hasard le seraient-elles moins quand nous les rencontrons sous une plume jésuite ? On en a fait l’épreuve : on peut substituer dans une Provinciale des textes de saint Thomas à ceux de Sanchez et d’Escobar, le sens revient au même[1]. — Mais c’est peut-être assez multiplier les preuves. Saint Ignace continue saint Dominique et saint François : c’est à eux qu’il pensait dans sa grotte de Manrèse ; il est l’hôte des Dominicains à cette heure décisive ; c’est l’un d’eux qu’il choisit alors pour directeur ; ce sont eux qui patronnent son livre et garantissent l’orthodoxie de ses Exercices spirituels[2]

Il faut s’arrêter un instant sur ce manuel célèbre. La suite de cette leçon en deviendra plus claire, si ce livre peut nous servir à dissiper une équivoque ou un malentendu.

À partir de la fin du XVIe siècle et de la grande réaction représentée par le concile de Trente, Pie V et Charles Borromée, l’art italien, écrit Renan, change subitement de carac-

  1. Sainte-Beuve, Port-Royal, 5e édit., 1888, t. III, p. 126-128.
  2. Cf. Berthier, Maître Thomas et saint Ignace, Louvain, 1896 ; H. Fouqueray, Histoire de la compagnie de Jésus en France, 1910, t. I, p. 53 ; Mortier, Histoire des Maîtres-Généraux, t. V, p. 312 et suiv. ; Ranke, Histoire des Papes, 1838, t. I, p. 243. Les Acta antiquissima... ex ore sancti excepta, nous informent de cette influence d’une manière authentique. Ignace avait coutume de se dire : « Quid, si ego hoc agerem, quod fecit B. Franciscus, quid si hoc, quod B. Dominicus ? » Acta SS. Juillet, t. VII, p. 636.