peste noire, on assiste à une crise de flagellation[1]. Un peu plus tard, répétition de la croisade des enfants[2]. Un mal étrange parcourut alors l’Allemagne : la chorèe, la danse de Saint-Guy[3]. La contagieuse frénésie se gagnait à la ronde ; bon gré, mal gré, chacun entrait dans la convulsive sarabande ; des villages, des bourgs, comme possédés de quelque lutin, tournaient, tournaient à mort dans les anneaux de la dangereuse valse. Le choc avait été trop rude. La machine humaine ébranlée avait perdu son équilibre. Le ressort faussé grince et n’avance plus que par à-coups, par soubresauts désordonnés de l’appareil nerveux.
Au milieu de ce désarroi, les ordres mendiants prospèrent. Ils profitent de la décadence qui s’empare des anciens ordres. Pas un événement où n’apparaisse leur froc. C’est Catherine de Sienne, la jeune fille héroïque qui fait trembler le pape et qui, d’autorité, le ramène d’Avignon ; c’est la visionnaire et réformatrice sainte Colette. Enfin, ces temps de la grande peste sont ceux d’une recrudescence de la vie surnaturelle. C’est l’heure où s’épanouit la rêveuse école de Strasbourg, de Colmar, la flore dominicaine, le jardin intérieur où les Tauler et les Suso voient éclore la rose mystique que peindra Schongaüer. Partout on retrouve ou l’on devine la présence et l’action des ordres mendiants. Le premier monument de l’école allemande est le Clarenaltar, un tableau peint pour les Clarisses de Cologne[4], Et les deux Saint François de van Eyck (à Philadelphie[5], à Turin)
- ↑ Froissard, éd. Luce, t. IV, p. 330 et suiv. ; Jean le Bel, Chronique, éd. Viard et Desprez, 1904, l. I, p. 222.
- ↑ Léop. Delisle, Pèlerinage d’enfants au Mont Saint-Michel, Caen, 1847.
- ↑ Hecker. Der schwarze Tod in XIV. Jahrhundert, Berlin, 1832.
- ↑ Aldenhoven, Geschichte der Kôlner Malerschule, Cologne, 1901. Le Clarenaltar est aujourd’hui placé sur le maître-autel de la cathédrale.
- ↑ Collection Johnson.