C’est ce qu’on verrait mieux encore, si nous descendions un moment dans l’église inférieure. Là se trouvent, à la croisée de la voûte, au-dessus de l’autel, les fameuses Allégories des vertus franciscaines et le Triomphe de Saint François. Ce sont quatre compositions d’une ordonnance compliquée, et qui paraissent un peu surfaites. Leur plus grand mérite consiste dans le velouté du coloris, et dans la fraîcheur de tons clairs, vierges de toute retouche. Il y a des essaims de grands anges aux ailes d’émeraude et aux boucliers hexagones, aux chevelures de walkyries. Pour plus d’une raison, il me paraît douteux que l’ouvrage soit de Giotto. Ce qu’on connaît de lui en ce genre, comme les Vertus et les Vices de l’Arena ou les bas-reliefs du Campanile, sont des œuvres très courtes, fort peu développées, d’une brièveté exquise : la surcharge symbolique est d’une époque postérieure et d’une prolixité qui est la marque d’un élève.
Cependant, cette œuvre complète celle de Giotto. Cette idée latine du « Triomphe », n’est-ce pas déjà le leitmotiv de la Renaissance ? Et quand il s’agit de saint François, une pareille apothéose n’est-elle pas bien étrange ? Cette exaltation de l’individu, de la virtù, sur la tombe de celui qui avait foulé toutes les grandeurs mondaines, cette morale qui enseigne
… Comè l’uom s’eterna,
la « gloire » à la façon du condottière et de l’artiste, ces passions de mégalomanes qui allaient remplir les petites cours et les républiques italiennes, prenant corps au-dessus des cendres du Poverello, — quel contraste et quelle ironie ! Par là finissait logiquement cette rentrée en scène de la vie : on arrive tout droit au culte du « héros », aux idées d’égotisme et de domination. Mais que devient dans tout cela le charme franciscain ?