Cette Collection est réservée aux poètes d’expression française de tous les pays de l’univers. Il existe, en effet, des écrivains qui, en Belgique, en Hollande, en Suisse, au Canada, à la Louisiane, aussi bien que dans notre ancienne Alsace Lorraine et dans nos Colonies, se servent de préférence de notre langue pour donner un vêtement de beauté à leur pensée. Par cela même, ces contrées constituent comme une extension intellectuelle de la Patrie française. Elles forment un territoire littéraire appartenant à la France et auquel Paris, capitale cérébrale, doit ouvrir le débouché de ses esprits.
Dans cette Collection nouvelle, ornée du portrait des auteurs, peuvent prendre place tous ceux qu’on voit mettre au-dessus des préoccupations politiques et des controverses sociales, le principe de l’art pour l’art, le culte de la forme, pure et sereine, et qui, tout en professant un amour profond pour leur nation d’origine, proclament se rattacher à la France par leur activité littéraire. Ce sont ses fils intellectuels.
Nous avons débuté par une œuvre impressionnante de M. Iwan Gilkin. Nous offrons aujourd’hui au public un ouvrage d’une toute autre allure. Tandis que dans la Nuit, on a vu éclater en strophes éloquentes la passion d’une âme tourmentée, on assistera dans la Cithare de M. Valère Gille à un spectacle d’un caractère reposant. C’est un voyage de beauté entrepris dans l’antiquité hellénique, toujours maîtresse et inspiratrice des esprits, malgré les revanches momentanées des Barbares — d’où qu’ils viennent. Après avoir souffert avec M. Iwan Gilkin, le lecteur se délassera aux sonnets anacréontiques et aux odes pindariques du présent recueil. Son auteur est né à Bruxelles en 1867 et connu déjà par un petit bijou poétique enchâssé sous le titre de Château des Merveilles. Il est entré en 1887 à la Jeune Belgique, dont il est actuellement un des quatre directeurs. Il y défend en prose et en vers, avec un incontestable talent, la tradition française. Nous devons lui en garder un gré profond.
Nous convions donc nos amis et nos concitoyens à l’entreprise que nous continuons sous ces brillants auspices. En acquérant les œuvres des poètes français de cette Collection, ils donneront, tout en faisant preuve d’une culture délicate, l’exemple du patriotisme le plus élevé et le plus habile.
Paris, ce 1er décembre 1897.