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Après des ans, des ans, les antiques guérets
Feront place aux pavés assourdissants des villes :
Où vibraient des chansons, sourdront des clameurs viles ;
Où bruissaient les pins, sonneront les louis d’or.
Au grand mot de « progrès » qui servira d’excuser,
Les peuples se fieront à des hommes de ruse
Qui viendront établir, par leur œuvre de mort,
Le règne de la force et du mercantilisme ;
Et ce sera l’oubli des siècles d’héroïsme.
Mais l’humaine pensée, à l’antique Idéal
Offrira le retour d’un âge moins pratique.
Mourant d’avoir cherché le bien-être physique,
Les hommes chercheront le bien-être moral.
Les brutales laideurs du fer et de la suie
Se perdront aux lointains de leur époque enfuie,
Et les canons affreux pour longtemps se tairont,
Car, las de se tuer, les peuples s’aimeront.
Puis, les déclins retourneront aux origines,
Et la forêt reverdira sur les ruines.
Le sort confondra tout dans ses antiques lois,
Et tout sera joyeux comme aux jours d’autrefois...
Et pendant tout ce temps, majestueux emblème,
Le Cap Éternité demeurera le même !
Malgré, sa majesté, l’homme le détruirait.
Cet atome rampant peut saper cette pierre
Imposante et sublime, et réduire en poussière
Le géant, pour un sou de plus à l’intérêt.
Mais nul n’a trouvé d’or à l’ombre de ta gloire :
Les morsures des vers rongeurs t’épargneront ;
Ô Rocher ! ta noblesse évite leur affront.
L’affamé cherche ailleurs un gain aléatoire.