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Sa couronne anoblit le roi qui le remplace ;
Mais quand la mort se heurte au granit éternel,
Le monarque demeure et la couronne passe !

S’il tressaille parfois, de mille ans en mille ans,
Quand un fragment de roc s’éboule sur ses flancs,
Avec un grand fracas que l’écho répercute
Aux lointains horizons, c’est pour marquer la chute
D’un royaume fameux parmi les nations,
Ou pour sonner le glas des générations.
Et lorsque le fragment détaché de la cime
Frôle le flanc sonore et tombe dans l’abîme
Qui l’englobe en grondant et se ferme sur lui,
L’eau noire et frissonnante emporte dans sa nuit
Cette vibration jusqu’à la mer lointaine :
Le Cap Éternité fait dire à l’Océan
Qu’un empire effacé de la mémoire humaine
A rendu sa grandeur éphémère au néant.
Des siècles ont passé sans affliger sa gloire !
Il nargue le Vieillard ailé qui fauche tout ;
À son pied souverain, dans l’onde affreuse et noire,
Des siècles sombreront : il restera debout !

Combien de soirs sont morts, combien d’aubes sont nées
Sur son front dédaigneux des terrestres années ?
Combien de fois encor l’Océan va blêmir,
Combien de soirs silencieux vont s’endormir
Sur ce front dont l’orgueil dominera les âges
De plus haut qu’il ne règne au milieu des nuages ?