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Les générations, leurs sanglots et leurs rires,
Les faibles et les forts, les bourgs et les cités,
Les royaumes obscurs et les puissants empires !

Des reptiles ailés parcouraient ses versants
Longtemps avant que l’homme eût paru sur la terre ;
Longtemps avant sa voix, leurs cris retentissants
Troublaient le vierge écho des bois pleins de mystère.
Enfin, dans la forêt où régnait l’animal,
Il a vu dominer l’être à l’âme immortelle,
Celui que ses instincts entraînent vers le mal,
Et qui conserve en lui la divine étincelle.
Sur le globe, bientôt, cette race nouvelle
Domina tout, devint innombrable et grandit ;
Mais ses iniquités grandirent avec elle,
Et Dieu qu’elle affligea dans son cœur, la maudit.
Alors les océans de l’abîme jaillirent ;
Les écluses du ciel toutes grandes s’ouvrirent,
Et la pluie en torrents effroyables tomba.
Pendant quarante jours, l’onde diluvienne
Tomba, submergeant tout, montagne comme plaine ;
Et tout être qui vit sur terre, succomba.
Le Cap fut submergé : sa cime souveraine,
Sa cime habituée aux rayons fulgurants,
Vit tout un monde mort passer dans la pénombre :
Mammouth géant qui lutte et trouble au loin l’eau sombre,
Hommes qu’entre deux eaux emportent les courants,
Aigles dont l’aile lasse en sombrant bat encore...
La cime d’où montaient des chansons dans l’aurore,
La cime humiliée a vu, sous ses grands pins,
Se fermer la mâchoire affreuse des requins.