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Désormais, l’art m’attache au bord du fleuve abîme ;
Je le voudrais chanter dans mes vers, mais en vain
Je tente d’exprimer ce qu’il a de divin
Et d’infernalement effrayant et sublime.

Les accents que mon âme évoque avec effroi,
Expirent sur ma lèvre en proie à l’épouvante...
Ton esprit n’est pas loin de ce spectacle, ô Dante !
Ô Dante Alighieri ! ! mon maître, inspire-moi !

Poète des mots brefs et des grandes pensées,
Toi qui sais pénétrer les humaines douleurs
Et dans le Paradis cueillir les saintes fleurs,
Qu’au souffle de tes chants mes strophes soient bercées !

Apprends-moi comme il faut monter, le front serein,
Vers les sommets sacrés qui conduisent aux astres,
Et, le cœur abîmé dans la nuit des désastres,
Faire sur le granit sonner le vers d’airain !
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Mais déjà l’aube terne aux teintes indécises
Révélait des détails au flanc du grand rocher ;
Je voyais peu à peu les formes s’ébaucher,
Et les contours saillir en lignes plus précises.
Bientôt le coloris de l’espace éthéré
Passa du gris à l’ambre et de l’ambre au bleu pâle ;
Les flots prirent les tons chatoyants de l’opale ;
L’Orient s’allumait à son foyer sacré.
Le gris matutinal en bas régnait encore,
Quand l’éblouissement glorieux de l’aurore
Embrasa le sommet du Cap Éternité