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CLAIR DE LUNE




Quand au zénith trôna la pâle nébuleuse ;
Quand tout devint muet sous le ciel étoilé ;
Dans le passé fatal que le noir chagrin creuse,
À l’œil de mon esprit quand tout se fut voilé ;
Entre les bords abrupts du sombre défilé
Où passaient les frissons de la brise berceuse,
Quand tout fut recueilli, la Nuit mystérieuse,
La Nuit, la grande Nuit sereine m’a parlé !

Le jour éblouissant couvre à flots de lumière
Des vérités que l’ombre enseigne à sa manière,
Dans un rayon d’étoile effleurant les sommets.

Devant l’escarpement des rochers grandioses,
La nuit du Saguenay m’a révélé des choses
Que le langage humain ne redira jamais.
La brise qui soufflait dans mes féeriques voiles
Nous emportait toujours sous les doux rayons bleus,
Entre les monts altiers, les monts vertigineux
Dont la crête tranchait, noire sur champ d’étoiles.

Que tes fleuves si grands, ô mon pauvre pays,
Te fassent pardonner tant d’hommes si petits !…
Quel spectacle de force et de majesté grave !
Ah ! comme ce mirage en le cerveau se grave !
Le mien l’évoque encor, nettement buriné.