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La lampe qui brûlait auprès de sa fenêtre.
Sur la neige bien tard jetait une lueur.
Quand vinrent les beaux jours, l’inconnu, moins veilleur,
Descendait pour écrire au bord de la rivière ;
Je le trouvais toujours assis sur cette pierre,
Penché sur son cahier, près du grand sapin noir
Que, malgré le brouillard, d’ici vous pouvez voir.
Nous n’avons pas connu le secret de cet homme,
Ni quel est son passé ni comment il se nomme ;
Un jour, à ma demande, il a répondu : ― Non !…
Puisque tu prends mon âme, ô nuit, garde mon nom !

Souvent, dans son canot, vers Sainte-Marguerite
Il s’en allait pêcher le saumon et la truite.
Mais lorsque mes enfants travaillaient aux moissons,
Emportant ses papiers au lieu des hameçons,
Il remontait vers l’Ouest, et j’étais bien certaine
De ne plus le revoir avant une quinzaine.

Or, un soir, il nous dit en nous serrant la main :
— Au premier chant du coq je partirai demain.
Conservez mon cahier ! prenez soin de ces pages
Que je n’ose livrer au hasard des naufrages !
Au revoir ! bons amis, gardez mon souvenir.
Ces bords hospitaliers me verront revenir.
Pendant que je serai loin de vous, s’il arrive
Qu’un voyageur instruit aborde votre rive,
Prêtez-lui le cahier : qu’il le lise à loisir
Et le transcrive au long s’il en a le désir !

Il partit le matin, au courant favorable.
La plume et l’encrier l’attendent sur la table,