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Prologue




J’attendais le vent d’ouest, car à l’Anse Saint-Jean
Je devais m’embarquer pour relever le plan
D’un dangereux récif au large des Sept-Îles.

J’avais d’abord goûté l’éloignement des villes
Dans cette solitude, au pied des hauts glacis,
Chez les bons paysans rompant le bon pain bis,
Pendant que l’on gréait la svelte goélette
Qui, dans l’épais brouillard perdant sa silhouette,
Mouillée au fond de l’anse, à l’ancre somnolait.

Le jour après le jour lentement s’écoulait,
Monotone et pareil ; le fleuve sans écume
Étalait son miroir affligé par la brume ;
L’air humide et sonore apportait sur les flots
La naïve chanson de lointains matelots ;
Aussi, le capitaine à chevelure grise
Réclamait à grands cris le soleil et la brise,
En levant son regard vers le ciel incertain ;
Il gravissait le roc abrupt, chaque matin,
Pour observer le temps à l’heure de l’aurore,
Et murmurait, hochant la tête : Pas encore !

La brume enveloppait les larges horizons,
Les bosquets étagés, les glacis, les gazons,
Et tous les mille riens si beaux de la campagne,
Et les sentiers abrupts au flanc de la montagne,
Où, jusques au sommet, le rêveur épris d’art,
Vers le bleu, tout au loin, chemine du regard.