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Planant sur la clameur sourde des multitudes,
Les cloches vont troubler les fières altitudes,
Pour pleurer nos chagrins dans les abîmes bleus ;
Car l’azur est trop loin de la misère humaine,
Pour que, de notre voix impuissante, il apprenne
Ce que la vie impose à nos cœurs douloureux.

Pendant bien des midis, pendant bien des aurores,
Et pendant bien des soirs, les mêmes bruits sonores
Charmeront l’avenir. Et leurs vibrations
Salueront les berceaux de leurs tendresses saintes,
Ou sur d’autres cercueils feront tomber leurs plaintes,
Seules auront changé les générations !

Ainsi, tout notre orgueil à peine dure une heure,
Mais ce qu’il a créé dans cet instant, demeure
Pour narguer la morsure outrageante du Temps !
Cloches ! nous enfermons dans vos flancs une idée
Pour que votre harmonie en nos cœurs accordée,
Redise notre extase aux échos éclatants.

Hélas ! nous nous taisons avant vous sur la terre.
Mais quand vous résonnez, ainsi qu’une prière,
Sur le recueillement de la foule à genoux,
Vous n’êtes que le bruit ; nous sommes la Pensée !…
Votre bronze sublime où notre âme est passée,
Ne peut parler à Dieu qu’en lui parlant de nous !

Sonnez !… Quand vos accents s’éteindront dans l’espace
Quand vous aurez subi le sort de ce qui passe
Par l’instabilité des empires mortels ;
Après votre néant, dans l’éther insondable,
Le souvenir ému de l’âme impérissable
Apprendra votre gloire aux demains éternels !