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Voici le tétanos, la lèpre, l’hystérie,
Voici l’épilepsie et les hideux cancers,
Et le meurtre et le vol et le viol, que charrie
Ensemble un sang funeste au fond des jeunes chairs.

Vous, en qui coulera le flux de nos artères,
Vous qui naîtrez, un jour, de nos reins gangrenés,
Innocents, vous paierez les crimes de vos pères
Et c’est dans vos douleurs que nos bourreaux sont nés.

Hélas ! avec vos corps nous façonnons vos âmes ;
Nous vous donnons la vie en fixant votre sort ;
Enfants, avec nos maux et nos vices infâmes
Nous vous léguons l’exil, la prison et la mort.

Ah ! qui voudrait encore engendrer ? Aux abîmes
Tonne éternellement ta malédiction,
Dieu farouche et cruel, qui frappes tes victimes
De génération en génération !

Ne perpétuons plus les martyrs que nous sommes !
Opposons à la vie un cœur stérile et fort !
Mort ! puisses-tu détruire en nous les derniers hommes
Et mourir à ton tour avec le dernier mort !