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Tout ce peuple, à la voix qui calmait sa souffrance,
Ceux qui peinaient, ceux qu’on brisait, ceux qui saignaient,
Conquérants enflammés d’amour et d’espérance,
Fondaient votre royaume, où par vous ils régnaient

Partout ils suscitaient des troupes affamées
D’esclaves déchaînés, décharnés et meurtris
Et partout où passaient ces sinistres armées
Il restait, sous le ciel, des croix sur des débris.

C’en était fait, sans nous c’en était fait du monde
Qu’allait envelopper la nuit sans lendemain :
Nous sommes descendus vers cette foule immonde
Et nous vous avons pris doucement par la main.

Nous, les poètes, nous, les guerriers et les prêtres,
Nous vous avons conduit dans ce palais doré ;
Et ceux que l’univers reconnaît pour ses maîtres
Vous ont donné le sceptre et le manteau pourpré.

Dans vos cheveux ardents brûlent les pierreries,
À votre cou neigeux pendent les colliers lourds
Et dans les plis mouvants de vos robes fleuries
Des fleuves de rubis coulent sur les velours.