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ESTHÈTES



Ô peuples vieillissants ! nous mourons d’esthétique.
L’art supplante la vie en nos cœurs épuisés
Et nous ne trouvons plus dans l’ardeur des baisers
Que le rappel savant d’un rêve poétique.

L’air frais ne gonfle plus notre poitrine étique :
Il nous faut respirer des parfums composés
Et le stérile effort de nos cerveaux usés
Délire vaguement dans un brouillard mystique.

Tout, sentir et penser, est artificiel
Pour l’esprit affaibli qu’un mal essentiel
Frappe incurablement de dégénérescence.

Mais, sans même y songer, nous rampons à genoux
Aux rayons du grand art chauffant notre impuissance :
Il a vécu pour nous ! Il a rêvé pour nous !