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Emblème virginal, de neigeuses jacinthes,
Des lys miraculeux, des narcisses troublants,
Des tubéreuses et de lourds daturas blancs
S’échappent de ses mains enfantines et saintes.

Quand son geste bénit, on peut voir à son cou
Palpiter une opale en flamme qui succombe ;
Alors dans la lumière une blanche colombe
Rayonne et vient baiser le magique bijou.

Doux prince du printemps, il a vu tous les êtres
Jouer, rire et chanter au milieu des douleurs ;
Mais les rires, les chants et les jeux sont les fleurs
Trompeuses de la mort ; tous les bonheurs sont traîtres.

L’univers n’est-il pas un immense martyr,
Que sans trêve secoue et torture la vie ?
Naître, mourir, renaître, éternelle agonie !
Lutter, aimer, penser, tout cela c’est souffrir.

Un redoutable aimant attire à l’existence
Tous les êtres, les leurre et les garde captifs.
L’enfant sacré connaît les mirages lascifs
Qui font désirer vivre et cachent la souffrance.