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Là règne, au fond de l’ombre, un dieu lugubre et noir.
Sur sa face féroce erre le désespoir.
On l’appelle Pensée. Et, pour calmer ses fièvres,
De cerveaux tout saignants l’on humecte ses lèvres,
Mais le sang coule en vain sur son ventre allouvi :
Le monstre aux dents de feu n’est jamais assouvi.

Hélas ! qui nous dira combien de nobles têtes
Ont servi de pâture en ces horribles fêtes
Et combien de chercheurs, de penseurs, de rêveurs
Viendront encore nourrir ces tragiques fureurs ?

Cependant agonise au milieu d’une arène,
Cloué sur une croix lumineuse et sereine,
L’homme vêtu de blanc que le monde entendit
S’écrier : « Bienheureux sont les pauvres d’esprit ! »

Et, de son temple noir, le dieu noir, sans l’entendre.
Contemple le martyr qu’il ne veut pas comprendre.