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Elle me conduit par l’oreille
Au café traditionnel
Et choisit pour moi la bouteille
De rhum, d’absinthe ou de kummel.

Elle me ramène à la couche
Où, par d’identiques baisers,
Une quotidienne bouche
Tourmente en vain mes nerfs usés.

Chaque rose de ma pensée
Dans les ronces de mon travail
Sous son poing dur tombe cassée :
Mes vers ne sont que son bétail.

Vouée à la morne atrophie,
Ma cervelle est un polypier
Qui, fleur à fleur, se pétrifie
Sous l’eau lourde de son vivier.

Et dans la ville où je m’échine
À vivre, à dormir, à manger,
Je ne suis plus qu’une machine
Aux mains d’un pouvoir étranger.