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Alors, les yeux troublés de visions naissantes,
Couché sur le lit calme où tu vas t’assoupir,
Regarde se dissoudre en ombres pâlissantes,
Plus fluides toujours, toujours plus pâlissantes,
Toute chose ambiante — et les songes surgir.

Regarde : parmi les vapeurs mauves s’élève
Aux rayons parfumés d’un beau ciel musical
Un cirque de glaciers, dont les cimes de rêve
Autour d’un lac d’azur, où leur image rêve,
Enclosent de leur neige un vallon tropical.

Des palmiers, des figuiers, des manguiers, en girandes,
Abritent fraîchement des herbages fleuris ;
Dans les flots d’herbe en fleurs, des femmes, par guirlandes,
Baignent leurs chairs de lys en vivantes guirlandes
Sous les joyaux furtifs d’un vol de colibris.

Et, cascade de chair, du haut des pics de glace
Tombe un fleuve ébloui de blanches nudités ;
Chaque corps suit un corps qui l’embrasse et l’enlace :
À l’ondine qui passe une ondine s’enlace
Et roule en un torrent de rieuses beautés.