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Dans l’énorme palais de marbre noir et vert
Où, sous les lourds plafonds d’ébène et d’améthyste,
Aux langueurs des flambeaux, maint prince jeune et triste
Attend, le cœur en feu, l’Envoyé du Désert,

Là, devant les seigneurs, les pages et les reines,
Parés, pour célébrer les cruelles amours,
De bijoux vénéneux et de fourbes velours,
Devant le roi hagard des voluptés humaines

Qui, les lèvres en fièvre et l’œil épouvanté,
Vers un désir nouveau sent palpiter ses rêves,
Sous les éclairs glacés des miroirs et des glaives,
Au son des instruments qui chantent ta beauté,

Secouant tes colliers ardents de chrysoprase
Et leurs grelots d’or clair, qui tintent sur tes seins,
Tordant d’un geste fier tes reins onduleux, ceints
D’un torrent de rubis, qui serpente et s’embrase,

Danse, danse et triomphe, ô Prince des Baisers,
Frappe les dalles de tes sonores sandales,
Et foule, triomphal, par les salles royales,
Comme des raisins mûrs, tous ces cœurs écrasés !