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Les vents mystiques ont parfumé ta poitrine
Et le feu sidéral qui brûle dans tes yeux
Semble flotter parfois dans l’or de tes cheveux
Et luire et fuir encor sur ta peau colubrine.

Des animaux muets, des oiseaux singuliers,
Et de roses poissons, dans la fraîcheur de l’onde
Frôleurs craintifs et doux de ta nudité blonde,
T’observent tendrement de leurs yeux familiers.

Toi, sauvage rêveur, tu ne sais point, sans doute,
Que depuis deux mille ans d’étranges pèlerins
Te cherchent à travers les périls transmarins,
Les plaines et les monts, sans boussole ni route ;

Mais leurs os dédaignés par l’aigle et le condor
Engraissent tristement de leur moelle amoureuse,
En ce désert, jaloux de ta chair savoureuse,
Tes grands lys martagons tigrés de sang et d’or.

Lève-toi ! Lève-toi ! Hâte-toi vers la ville !
D’autres temps vont venir, qui n’étaient point prédits.
Terrible précurseur des nouveaux Paradis,
Traverse sans la voir la multitude vile.