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PRÉCURSEUR



Après ton départ, pauvre écolier pâle et frêle,
Mes yeux ont pris leur vol dans les vents ténébreux,
Au fond d’un Orient nocturne et dangereux,
Vers de profonds déserts, touffus d’herbe éternelle.

Angoisse, la stagnante angoisse du désert,
Où la lune se meurt d’espace et de silence !
Un ciel, immensément le ciel ! La plaine immense
Où se perd la lumière au lointain pâle et vert.

Sous la froide douceur de ces clartés obscures
Moutonne, monotone, avec de longs sanglots,
Une eau sinistre et sombre et s’argentent les flots
Qui fatiguent le ciel de douloureux murmures.

Farouche enfant, ta chair vierge s’épanouit
Au bord du fleuve étrange où, sur la berge plate,
Les lys rouges, brûlants de pourpre et d’écarlate,
Élargissent leurs fleurs géantes dans la nuit.