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Ses doigts chargés d’anneaux dans sa barbe ivoirine
Dont, avec les colliers, la royale splendeur
Majestueusement descend sur sa poitrine,
Le pontife s’abîme en sa vaste douleur.

Car ses yeux, à travers le rose crépuscule
Où s’éteint l’horizon de glaciers dentelé,
Dans le vallon sublime, où son rêve recule,
Regardent au lointain fuir un couple exilé.

— Je voulais faire un dieu ! L’âme, inégale à l’œuvre,
Du frêle adolescent élu vers mon pouvoir
A glissé comme glisse une molle couleuvre
Entre mes tristes mains qui l’on dû laisser choir.

Pour être un Dieu vivant sur la terre ravie
Tu devais, t’abstenant de Vivre et de Savoir,
Fermer ton cœur sans tache aux désirs de la vie
Et n’ouvrir tes yeux purs qu’à mon suprême espoir.
 
Enseigné par moi seul en ma pensée unique,
Chair vive de mon Verbe, âme de mon amour,
Je voulais t’exalter dans ta gloire mystique,
T’enivrer de martyre et te conduire, un jour,