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Puis s’envole, ridé de gestes, blancs mélanges. Et j’écoute sur moi la chute de mes langes ! Combien d’autres rappels des choses d’autrefois : Des couronnes de sons sur d’anciens convois De morts qu’on oubliait et qu’on se remémore ; Et ces effeuillements vagues dans l’air sonore ! Vieilles cloches vidant leur corbeilles de fer D’où tombe un buis d’antan aux branchettes fanées, Le buis bénit d’un temps pascal lointain et cher... Et je recueille on moi le buis mort des années,.. Cette citation n’est- elle point caractéristique ? La musique dolente et la cadence étouffée de ces vers, l’imprévu des images et des mots nous pénètrent comme un anesthésique, nous arrachent au monde ambiant et nous soustraient au présent matériel et immédiat. Ainsi, sollicités par ce rêveur, nous remontons le cours des âges, vers les lointains du Passé dont la patine glorieuse marque à jamais les vieux pignons de Bruges ou les arches verdies de ses ponts endormis...

Nous allons voir que MM. Iwan Gilkin, Albert Giraud, Valère Gille, furent, avec Georges Rodenbach, les plus irréductibles tenants du dogme parnassien en Belgique. On retrouve dans leur œuvre, ciselée et parfois impassible sous sa beauté marmoréenne, les traits les plus significatifs du Parnasse. La poésie symboliste, appelée décadente pendant quelques années, — tenta un moment divers poètes distingués d’ici, tels que MM. Paul Gérardyou Albert Mockel ; par la liberté des rythmes et par l’affranchissement des règles anciennes, elle peut revendiquer encore le rare artiste à la forme cristalline et fluide qu’est M. van Lerberghe. Les Entrevisions de celui-ci, intensément subjectives, d’une inspiration ondoyante à ravir, sont désormais dépassées encore en noblesse imagée, en sérénité radieuse et musicale, par la Chanson d’Eve que M. Van Ler-