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bois ? Je te vais faire attacher sur quelque cheval bien ingambe.

« L’infant pleura :

— Ne m’attachez pas, dit-il, j’ai mal aux reins, monseigneur père.

— Mais, dit Charles, tu as donc mal partout ?

— Je ne souffrirais point si on me laissait en repos, répondit l’infant.

— Penses-tu, répartit l’empereur impatient, passer ta vie royale à rêvasser comme clerc ? A ceux là, s’il faut, pour tacher d’encre leurs parchemins, le silence, la solitude et le recueillement, à toi, fils du glaive, il faut un sang chaud, l’œil d’un lynx, la ruse du renard, la force d’Hercule. Pourquoi te signes-tu ? Sangdieu ! ce n’est pas à un lionceau de singer les femelles égreneuses de patenôtres...

— l'angelus monseigneur père, répondit l’infant. .. »

Si la forte race flamande, à la musculature puissante, encline aux joies énormes comme aux colères subites ou aux désespérances éperdues, a pu se reconnaître dans la fresque magique de Charles de Goster, n’est-ce pas à bon droit que la Wallonnie découvre, ainsi que nous l’avons dit, les stigmates de son âme pensive et tendre, sur les traits affinés d’Octave Pirmez ?

Jusque dans la vie solitaire qu’il menait au fond du nostalgique domaine d’Acoz, on salue l’appropriation totale à son milieu de ce noble esprit, profond, désabusé, sachant revêtir d’une expression cristalline l’armature hautaine de sa mélancolie résignée. Octave Pirmez a donné, dans son œuvre d’un spiritualisme presque mystique, dédaigneuse de la foule et des suffrages grossiers, la mesure d’une âme successivement inquiète et sereine mais toujours fortement captivante.