Page:Gilbert - Œuvres complètes, 1823.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée
DE MISANTHROPIE. 253

Je veux vivre avec vous. Ce vaste et noir silence,
Cette nuit dont l’horreur attriste au loin ces bois,
Ces arbres déployés comme une tente immense,
L’écho qui multiplie et prolonge ma voix,
Ces rochers entassés et pendants sur une onde
Qui tombe de leur cime , écume , et , vagabonde ,
Imite en se plaignant la voix du malheureux ;
Oui, tous ces noirs objets pour moi n’ont rien d’affreux.

 
Quand tout devant mes yeux respire la tristesse,
Je ne sais quel plaisir pénétre dans mon cœur ;
Mais mon front s’éclaircit, je sens moins mon malheur,
Je crois que la nature à mon sort s’intéresse :
Être plaint, c’est beaucoup pour un infortuné !
Et ce triste bonheur que l’homme lui dénie,


Je veux vivre avec vous. Qu’un morne et noir silence ,
Qu’une effrayante nuit attriste au loin ces bois ;
Que pour en boulverser la solitude immense,
Tous les vents , échappés de leurs cachots étroits ,
Unissent leur murmure au fracas du tonnerre,
Du chêne à longs éclats déchirent les rameaux,
Déracinent le pin , qui , renversé par terre ,
Ecrase sous son poids des milliers d’arbrisseaux :
Leur ténébreuse horreur m’est également chère.


Quand le teint du soleil s’obscurcit de pâleur,
Quand tout autour de moi respire la tristesse ,
Mon cœur est soulagé , je sens moins mon malheur ;
Je crois que la nature à mon sort s’intéresse ;
Je crois que courroucé d’avoir vu les humains
Refuser du secours à mes tristes destins,
Le ciel ne daigne plus leur prêter sa lumière :
Ou plutôt il me semble , et j’en suis consolé ,
Que tout est comme moi plaintif et désolé.
J’aime à me retracer...