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PREFACE



Rien ne décourage plus les jeunes poëtes que la vue de l’avilissement où est tombée aujourd’hui la poésie. Le jargon de M. La Béquille a pris parmi nous la place du langage des dieux : hormis la tragédie, on ne lit plus d’ouvrages en vers. A peine daigne-t-on encore jeter quelquefois les yeux sur les merveilles des Despréaux et des Rousseau. Heureux Voltaire d’être né avec un génie si éclatant! Pour attirer sur lui, pour fixer les regards dédaigneux de notre public, il lui fallait avoir composé la Henriade, Alzire, Brutus et tant d’autres chefs-d’œuvre.

Qu’on s’étonne encore qu’il ne s’élève personne pour s’asseoir sur le trône de ce fameux poëte! Ce n’est point en avilissant l’art militaire que vous ferez naître de grands guerriers. L’homme ne s’efforce à exceller dans un art qu’en proportion de la considération qui y est attaché. Il en est des sciences comme des vertus. Pourquoi voyez-vous rarement une comédienne Vestale? C’est que vous les croyez toutes Laïs.