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malheureux Gilbert vient de mourir fou », dit-il avec ce ton de pitié supérieure qui annonce un orgueil si cruel : « Il avait déjà de la disposition à cette maladie, comme on le voyait à ses yeux hagards et troublés. L’habitude du vin n’avait pas dû contribuer à raffermir sa raison; et enfin une chute qu’il fit, il y a quelques mois, dérangea entièrement sa tête. Dans les derniers jours de sa vie, il donna les plus étranges marques d’aliénation d’esprit. Il s’était logé à Charenton, dans le voisinage de la maison de campagne de l’archevêque; car, en sa qualité d’apôtre de la religion, il se croyait obligé de faire sa cour au prélat, qui l’avait en effet recommandé à M. de Vergennes, et avait obtenu pour lui une des pensions que le ministre des affaires étrangères peut prendre sur le privilège qu’il accorde aux papiers politiques. Il était allé chez l’archevêque, qui ne le reçut pas avec toute la distinction qu’il en attendait, et qui le fit manger avec ses secrétaires et ses valets de chambre. Gilbert, déjà mal disposé, fut tellement aigri de cette réception, qu’il rentra chez lui la tête absolument tournée. La