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NOVALIS fut un être étrange au double aspect tour à tour radieux et tourmenté.

Ce qui frappe d’abord en lui, c’est le rêve d’innocence presque totalement délié de l’humain, la vie plutôt d’un génie de contes arabes que d’un homme. Il semble avoir frôlé la terre à peine, il ne fut jamais souillé par la boue humaine. Novalis a passé dans la vie comme un enfant radieux, le visage illuminé d’un sourire vague de bonheur illimité et céleste.

Et pourtant Novalis n’a rien du poète qui se laisse bercer par son rêve. S’il fut toute sa vie un rêveur, il sut être en même temps – et c’est ce qui rend son cas presque miraculeux – un investigateur terriblement lucide et cruel de tous les abîmes de l’esprit humain. Ce rêveur est terriblement éveillé. Son regard fixe le problème sans repos, sans défaillance, jusqu’à le transpercer. Son intelligence brasse, fond, distille, arrache, sépare, amalgame à nouveau, mêle tous les éléments