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ne leur apparaissait jamais qu’ils eussent pu agir autrement. À la seule exception d’Hercule, aucun demi-dieu ou héros de l’antiquité n’hésite, ne balance. Chacun d’eux agit selon la dictée de son plus profond caractère, et ne crois-tu pas qu’à tous leurs gestes admirables, aussi bien aux plus vertueux qu’aux pires, le mot qui convient le mieux et qui s’applique le plus indifféremment à tous, c’est le mot : inconsidéré[1].

Ne crois-tu pas que c’est ainsi qu’il sied d’agir, et que l’acte inconsidéré a grand’chance d’être aussi bien le plus sage, car nous savons de reste

  1. L’admirable figure d’Ulysse échappe à ce que j’avance ici ; il y a tant de bon sens, et de cautèle en lui qu’il est presque anti-héroïque, car, dit Montaigne, « rien de noble ne se fait sans hasard ».