Page:Gide - Un esprit non prévenu, 1929.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par quoi ils paraissaient si « artistes » de leur temps, est cause aujourd’hui de leur ruine. Ils avaient des sens délicats ; mais une intelligence insuffisante les fit s’extasier sur la délicatesse de leurs sensations et mettre en avant ce qui doit être subordonné. On ne lit point une page d’eux où n’éclate entre les lignes cette bonne opinion qu’ils ont d’eux-mêmes ; ils cèdent infailliblement à cette complaisance qui les fait penser : Ah ! que nous sommes donc artistes ! ah ! que les autres écrivains sont épais ! — La manière est toujours l’indice d’une complaisance, et vite elle en devient la rançon. L’art le plus subtil, le plus fort et le plus profond, l’art suprême est celui qui ne se laisse