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par le peu que l’instruction m’a révélé du caractère (et de l’absence de caractère) de Cordier.

Après la première plaidoirie de la défense, le tribunal demande une suspension de séance et nous allons dîner.

Quand, deux heures après, nous rentrons au Palais, l’avocat de Cordier n’est plus là. Certes, je n’irai pas jusqu’à dire que les avocats des deux autres accusés ont profité de cette absence, mais pourtant, comme ce n’est qu’en chargeant Cordier qu’ils pouvaient décharger leur client, la présence du défenseur de Cordier n’aurait pas été inutile. Cordier restait tout abandonné à la discrétion des deux autres.

Et ce n’est pas seulement par là que Cordier eut à pâtir de passer en jugement le premier. Sans doute, si elle s’était d’abord déchargée sur Lepic, la sévérité des jurés se serait montrée moins intransigeante. Ce fut Goret qui, passant troisième, profita de la réaction ; du reste, son linge, sa tenue, son air fourbe, avaient favorablement impressionné le jury.

Nous ne fûmes pas plutôt dans la salle de délibération qu’un long, maigre “ primaire ” à cheveux blancs, sortit de sa poche un papier où il avait consigné toutes les charges contre Cordier, et principalement ses condamnations précédentes. En vérité ce furent celles-ci qui l’emportèrent et dictèrent le nouveau jugement. Tant il est difficile pour le juré de ne pas considérer une première