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Après la déposition de la logeuse et de sa fille, nous entendons celle des gardiens de la paix :

Le chef de poste M. :

— Quand nous avons voulu conduire au poste l’accusé, il nous a dit : — “ Donnez-moi au moins le temps de me laver les mains. ” Il ne paraissait ni soûl, ni fou. Il était plutôt calme.

Et M. V., commissaire de police :

— Au bureau central, j’ai vu Charles. Il était un peu énervé ; mais pas ivre. Il m’a dit, après quelques hésitations : “ Je l’ai tuée parce qu’elle me faisait dépenser de l’argent. Du reste j’allais me jeter à l’eau quand on m’a arrêté. ”

Le Président. — Eh bien ! vous voyez, Charles, vous donniez d’abord du mobile du crime une explication qui n’est pas celle d’aujourd’hui. Voyons, parlez.

L’accusé. — Que voulez-vous que je réponde ? Je vous ai dit la vérité.

M. V. — J’avais l’impression qu’il ne la disait pas alors, et qu’il dissimulait le mobile du crime. En effet, il donne d’autres raisons aujourd’hui… Tout cela me semblait si bizarre : je lui ai pris les mains, je lui ai relevé les paupières : il était ni ivre, ni fou.

Mme  Charles vient à la barre, témoigner que, pendant dix ans, c’est-à-dire jusqu’au moment où il rencontra la fille Juliette, elle n’avait rien eu à reprocher à son mari.